The Cove - La Baie de la Honte. Prix du Public au Festival Sundance 2009

Il y a quelques années, j’ai eu la chance de rencontrer un homme qui, après avoir été le dresseur de Flipper, a décidé de consacrer sa vie au militantisme anti-captivité. Son nom est Richard O’Barry, et il est aujourd’hui l’un des défenseurs les plus actifs de la libération des dauphins.

Au cours d’un échange de mails que nous avons eu cet après-midi, il m’a conseillé de jeter un œil sur le site officiel de The Cove, un film documentaire récompensé par le “Prix du Public” au Sundance Festival – et aujourd’hui par l’Oscar du meilleur documentaire 2010. En toute modestie, il ne m’avait pas précisé quel rôle il y jouait ; ce n’est donc qu’en surfant sur le dossier de presse que j’ai découvert qu’il en était l’un des principaux acteurs !

Naturellement, je lui ai réécrit pour lui demander de m’expliquer un peu plus le projet : “Qui en a eu l’idée ?”, “Comment s’est déroulé le tournage ?”, “Quel est le but visé par ce film ?”. Grâce aux informations qu’il m’a transmises, je peux désormais apporter quelques réponses à ces questions…

La petite baie

The Cove (“La Baie de la Honte” en français) est un film engagé et dénonciateur. Le titre fait référence à une petite baie située à Taiji, au Japon. Chaque année, entre septembre et mars, des pêcheurs locaux y procèdent à de grands regroupements de dauphins. En perturbant leurs sonars, ils parviennent à les désorienter, puis à les rabattre grâce à de grands filets de pêche.

La baie de Taiji, au Japon, est située au coeur d'une réserve nationale et constitue une forteresse naturelle ©2009 Oceanic Preservation Society LLC. All rights reserved

Dans cette baie, qui fait partie d’un parc naturel national, se déroule ensuite un spectacle macabre. Les pêcheurs procèdent tout d’abord à un tri : les plus beaux spécimens sont sélectionnés dans le but d’être revendus à des delphinariums, à des prix pouvant atteindre jusqu’à 150 000 $. Mais que se passe-t-il pour les milliers d’autres dauphins capturés ?

L’information peut surprendre… Ces derniers sont vendus pour leur viande, qui finit sur les étales des marchés, dans les restaurants japonais ou encore les cantines scolaires ! Un dauphin mort rapporte ainsi environ 600 $.

Des pêcheurs de la baie de Taiji avec leurs harpons ©2009 Oceanic Preservation Society LLC. All rights reserved.jpg

Ce bain de sang dont les victimes sont des êtres intelligents et sensibles constitue un spectacle  difficilement supportable. Contrairement à ce qu’affirme Joji Morishita de la Commission Baleinière Internationale (IWC), les dauphins ne sont pas tués instantanément ni de manière humaine : ils sont extirpés de l’eau, tirés sur le macadam, puis égorgés vifs – leur agonie se prolongeant souvent de longues minutes. Le film se termine par les images de ces mises à mort – une séquence choc, qui a pour but de montrer la réalité des choses et de faire réagir le spectateur.

Car cette crique n’est pas un endroit isolé. Chaque année, de part et d’autres des régions côtières du Japon, ce sont pas moins de vingt-trois mille dauphins qui sont ainsi tués pour leur chair.

Keep out - Le gouvernement japonais tient le public à l'écart de ce qui se déroule dans cette baie.  ©2009 Oceanic Preservation Socie ty LLC. All rights reserved

Tant qu’il y aura de la demande, ces massacres continueront. Pour cette raison, les réalisateurs du film insistent sur le fait que la viande de dauphin constitue un danger sanitaire. En effet, vivant dans une mer du Japon extrêmement polluée et se trouvant au bout de la chaîne alimentaire sous-marine, leur chair concentre des taux extrêmement élevés de mercure – jusqu’à plus de 3500 fois le seuil autorisé !

L’industrie des delphinariums

La demande menant à ces massacres ne provient pas seulement des quelques consommateurs japonais (moins de 1% de la population) de viande de dauphin.

Elle est également liée à l’industrie multi-milliardaire des delphinariums, qui requiert en permanence de nouveaux spécimens pour ses parcs. Or, les dauphins présentent le désavantage de ne se reproduire que très difficilement en captivité. De nouveaux “clowns” doivent ainsi être capturés en pleine mer, et une bonne partie d’entre eux provient de la baie de Taiji.

Derrière l'image joyeuse des delphinariums se cache une réalité plus triste

Richard O’Barry, qui constitue le héros de ce documentaire, est bien placé pour le savoir. Ce spécialiste des mammifères marins, ancien dresseur des dauphins ayant joué le rôle de Flipper dans la série éponyme, se sent en effet en partie responsable de l’essor de cette industrie du divertissement, ainsi qu’il le confie dans cette interview. Ce documentaire lui sert de tribune pour dénoncer le mensonge duquel s’entourent les parcs aquatiques. Le dauphin n’est pas un animal « toute douceur et gaiété« , mais un animal sauvage, intelligent, et méritant de vivre dans son environnement naturel, en toute liberté.

The Cove constitue  ainsi un plaidoyer contre l’industrie des delphinariums – qui nous renvoient une image faussée du dauphin et contribuent à ce que Ric O’Barry appelle une forme de “mauvaise éducation”.

Une vérité qui dérange

Une Vérité Qui DérangeCertains journaux américains comparent déjà The Cove au film d’Al Gore, « Une vérité qui dérange ». Sorti en 2006, ce documentaire consacré à l’exposé des causes et des conséquences du changement climatique avait remporté un grand succès, engendrant des bénéfices de 50 millions de dollars et valant  à son auteur un Prix Nobel de la Paix.

La différence qui caractérise The Cove est son utilisation des techniques narratives propres au cinéma hollywoodien. A la différence du documentaire écologiste d’Al Gore, qui se présentait comme une conférence illustrée de quelques images et vidéos, The Cove se situe à mi-chemin entre le film d’action à la Ocean’s Eleven et le film d’horreur.

The Cove tente ainsi d’allier le fond et la forme, sachant que, dans une société du spectacle vouée au sensationnalisme, le meilleur moyen de se faire entendre est parfois d’user des codes que, par son message même, il récuse en partie. Il n’a pas échappé à l’esprit des réalisateurs qu’une diffusion massive restait le gage le plus prometteur de la prise de conscience de cette réalité et, par là-même, de la transformation les mentalités.

C’est tout ce que je souhaite pour ce film : qu’il serve de vecteur à une évolution des comportements. Et peut-être que dans six mois ou un an, ce coup d’éclairage médiatique portera ses fruits, engendrant de nouveaux débats, des mobilisations plus suivies, et des législations de plus en plus poussées. Et vous, qu’en pensez-vous ? Un film est-il susceptible de faire changer les choses ?

Distribué en France par la société de Luc Besson, The Cove – La Baie de la Honte est sorti le 30 septembre 2009 en salles et en DVD le 3 février 2010. Il a reçu l’Oscar du meilleur documentaire 2010 et détient le record du Guiness Book du documentaire le plus primé de prix de l’histoire du cinéma. Un film exceptionnel donc, et à voir absolument !

La bande-annonce de The Cove – La Baie de la Honte :

Agir pour les dauphins au Japon :

1. Devenez “Cove Captain”

2. Le film The Cove – Action !

3. Action pour les dauphins – Stoppez les massacres au Japon !

A lire :

L’interview de Richard O’Barry, ancien dresseur de Flipper

Sources :

. Interview à écouter de Louie Psihoyos (réalisateur) et Richard O’Barry

. New York Magazine : http://nymag.com/daily/entertainment/2009/01/the_coves_richard_obarry_on_se.html

. Sundance Review : http://www.cinematical.com/2009/01/24/sundance-review-the-cove/

. The Economist : http://www.economist.com/books/displaystory.cfm? id=12970826

Quelques sites à consulter :

. The Cove – Site officiel américain : http://thecovemovie.com/

. The Cove – Site officiel français : http://thecove-lefilm.com/

. Oceanic Preservation Society : http://www.opsociety.org/

. Save Japan Dolphins : http://www.savejapandolphins.org/

. Take Part : http://www.takepart.com/thecove/

. Et la bande-annonce originale, en anglais :

Help Me Support This Cause

Revenir à la page d’accueil – L’actualité sur les dauphins