A Taiji, même lors d’une Journée « Baie Bleue » (1), les dauphins continuent de souffrir.
A la Dolphin Base de la Baie Moriura, plusieurs petits bassins contiennent des membres de groupes décimés lors des massacres de dauphins à Taiji, y compris concernant les dauphins souffleurs, les dauphins à flanc blanc du Pacifique, les dauphins tachetés pantropicaux et au moins un globicéphale. L’installation fonctionne comme un camp d’entrainement pour les dauphins, avec beaucoup de mammifères marins recrutés de force pour être expédiés vers des delphinariums à l’étranger.
Certains pays ayant acheté des dauphins issus de la chasse de Taiji sont la Chine, Dubaï, la Russie, la Turquie, l’Ukraine, l’Egypte, la Tunisie, le Mexique et bien entendu le Japon. Ils sont dressés pour développer des comportements anormaux en échange de poissons morts en guise de récompense pour se nourrir, et des files interminables de gens vont payer pour regarder les dauphins jouer et nager avec eux, sans jamais se demander d’où ils proviennent.
Les dauphins de la Dolphin Base s’ennuient dans leurs enclos, toute la journée, jour après jours – avec rien d’autre à faire et nulle part où aller. La plupart ont vu des membres de leur groupe tués devant eux, impitoyablement séparés par leurs tueurs et les dresseurs qui travaillent côte à côte lors du processus de sélection.
Un observateur averti peut affirmer que ces dauphins sont captifs depuis un certain temps, simplement en regardant leur langage corporel. Ils sortent constamment la tête hors de l’eau, à la recherche d’un coup de main. Beaucoup d’entre eux présentent des comportements stéréotypés tels que la répétition des mêmes mouvements, encore et toujours. J’ai observé un dauphin sortant de son train-train pour attirer l’attention du dresseur, l’espionner, projeter de l’eau et émettre des clics et des sifflements. Le dresseur, qui était occupé à réparer une clôture, a complètement ignoré le dauphin.
Dans la nature, les dauphins vivent dans un monde marin vaste, plein de diversité et d’activités sans limites. Ils ont développé un certain nombre de techniques sophistiquées pour rechercher de la nourriture et, en chassant, ils déploient toutes leurs capacités extraordinaires, notamment la rapidité, la force, l’intelligence et la capacité de communiquer, de travailler ensemble et de planifier à l’avance. En captivité, ces capacités naturelles sont rendues inutiles, car ils dépendent entièrement de leurs dresseurs pour pouvoir se nourrir.
Ils sont impuissants contre les dresseurs qui les contrôlent en échange de récompenses alimentaires, contraints d’effectuer des sauts à la demande, de secouer leur corps et de tourner encore et toujours.
Certains des dauphins sont très jeunes, évidemment déjà séparés de leur mère. Ils luttent avec les tours qu’ils doivent accomplir mais leurs dresseurs ne font que rire avec un manque total de respect pour ces mammifères marins et avec un désir calculé pour les transformer en artistes quasi-permanents. Lorsqu’un dauphin refuse d’obéir à un ordre ou s’il ne réalise pas correctement un tour, le dresseur prend simplement le seau de poissons et s’éloigne. C’est ainsi que les humains « enseignent » à un dauphin affamé dont ils ont la charge. La relation entre les dresseurs et les dauphins captifs est une question de pouvoir et de contrôle.
L’un des dauphins souffleurs(2) de la Dolphin Base reste souvent immobile à la surface de l’eau, en regardant vers l’extérieur de la clôture. Les dauphins à flancs blancs du Pacifique sautent dans leur petit enclos, encore et encore, se retrouvant toujours exactement au même endroit. Pendant un bref instant, comme ils sont en l’air, ils semblent pouvoir sortir de leur enceinte pitoyable pour s’échapper. Mais ils ne le font pas. Et même s’ils le faisaient, où iraient-ils ? Ils devraient trouver leur chemin pour quitter le port de Taiji puis aller chercher leur famille. Mais ce serait un effort inutile car leur famille a disparu depuis longtemps, tuée et vendue comme viande.
Ainsi, tout espoir est inutile pour ces dauphins. Je les regarde pendant des heures alors qu’ils nagent dans leur enclos, jetant un œil de temps en temps comme pour avoir un aperçu de ce qui se trouve ailleurs. Parfois, ils restent immobiles et, s’ils ont de la chance, ils parviennent à trouver un morceau de plastique ou une feuille avec laquelle jouer. Il n’y a rien d’autre à faire pour eux.
Des dauphins capturés lors d’une dernière journée de chasse sont enfermés plus loin dans la baie. Les dauphins récemment capturés peuvent mettre longtemps avant de manger du poisson, car ils viennent d’être enlevés à leur famille et sont encore sous le choc. On peut souvent voir des dresseurs gaver les dauphins placés dans des civières et en poussant des tubes dans leur gorge et dans leur estomac.
Au Musée de la Baleine de Taiji, plusieurs espèces de dauphins sont maintenues captives dans des enclos marins et des bassins en béton. Ces dauphins sont utilisés pour faire des spectacles quatre fois par jour. Les spectateurs qui paient un extra peuvent toucher un dauphin ou assister à leurs « entrainements ».
L’un des dauphins souffleurs, confiné dans le basin de spectacle, joue continuellement avec un morceau de poisson. Trois heures plus tard, le dauphin est toujours en train de jouer avec ! Il (ou elle) doit garder sa dernière part de poisson après chaque spectacle pour avoir quelque chose pour s’occuper. L’autre dauphin souffleur continue à s’échouer sur le toboggan longtemps après la fin du spectacle, allongé sur le béton pendant des minutes, puis glissant dans le bassin. Il le fait encore et encore. Les dauphins à flancs blancs du Pacifique font des tours chaque fois qu’un être humain s’approche d’eux, dans l’espoir de recevoir un poisson en échange. Leurs tentatives pour plaire aux humains sont futiles bien sûr, et ils resteront affamés jusqu’à ce que leurs dresseurs décident de les nourrir.
Finalement, le dresseur arrive avec un seau rempli de poissons. Tous les dauphins commencent à bondir, remuant leurs nageoires pectorales, en tournant et en émettant des grincements – tous sont affamés. Pour un dauphin captif, il n’y a pas de repas gratuit. Un poisson n’est donné qu’après un tour effectué correctement. Une fois l’entrainement terminé, les deux dauphins souffleurs présents dans le bassin de spectacle continuent leurs tours, mais les dresseurs se retournent et s’en vont avec leurs seaux vides.
Angle, le dauphin souffleur Albino (3), et ses camarades de bassin, nagent en effectuant des cercles. Un dauphin de Risso Albino reste à la surface avec les yeux clos. C’est la dernière escale de leur vie. C’est là où leur dernière journée se terminera – dans un bassin en béton stérile et sale. Leur vie de privations sera de rester enfermés au Musée de la Baleine de Taiji pour divertir jusqu’à leur mort.
Les dauphins captifs de Taiji ont déjà eu une réelle vie. Ils étaient avec leur famille et passaient leur temps à chercher, à nager, à jouer à surfer, à sociabiliser et à explorer leur environnement marin. A présent ils n’ont plus rien, et je ressens un sentiment de culpabilité écrasante quand je quitte le delphinarium à l’heure de la fermeture. Je me sens coupable parce que je m’en vais – et eux ne le pourront jamais.
A Taiji, les dauphins sont chassés jusqu’à l’épuisement, capturés, tués, découpés en morceaux de viande, consommés, soumis, placés dans des harnais, jetés dans des caisses de transport, dressés, nourris de force et incarcérés à vie. Ils sont soumis à tous les vices possibles dont les humains sont capables. Et jusqu’à ce que leurs tortures s’achèvent, la Baie ne sera jamais réellement Bleue.
Vidéo (en Anglais) – Tours = nourriture. Bienvenue en captivité. Source Dolphin Project sur Vimeo.
Vidéo (en Anglais) – Angel et le Dauphin de Risso Albino au Musée de la Baleine de Taiji, Japon Source Dolphin Project sur Vimeo.
(1) Blue Cove Day en Anglais
(2) Le dauphin souffleur est également appelé grand dauphin (Tursiops). C’est l’espèce la plus répandue en captivité.
(3) Un dauphin (ou tout autre mammifère) dit Albino est physiquement tout blanc et donc rare.
Article traduit par La Dolphin Connection.
Titre original : In Taiji, There is Never a Cruelty-Free Day, écrit par Ric O’Barry, DolphinProject.com
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